« La méthanisation peut encore accroître la décarbonation de l’agriculture »
Pierre-Yves Hureau, ingénieur d’affaires chez Gaz Verts de GRDF en Normandie rappelle la contribution de la méthanisation à la décarbonation de l’agriculture. Il souligne également ses marges de progrès et les opportunités liées à la captation du CO2.
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En quoi la méthanisation contribue-t-elle aux transitions bas carbone en agriculture ?
Tout d’abord, le digestat a permis de réduire l’utilisation des fertilisants chimiques de 30 à 50 % par an. Parallèlement, le système racinaire des cultures intermédiaires à vocation énergétique reste dans le sol. Elles contribuent ainsi à accroître le stockage du carbone. Enfin, la méthanisation capte les gaz contributeurs au réchauffement climatique issus des effluents d’élevage. Cela est notamment renforcé depuis la règlementation de 2020 laquelle incite fortement à l’intégration de ces effluents.
Où sont les marges de progrès aujourd’hui ?
J’identifie trois leviers de renforcement de cette contribution. Tout d’abord, la production d’électricité renouvelable, via des panneaux solaires, peut se développer sur site à des fins d’autoconsommation. De plus, la valorisation du biogaz, notamment en tant que carburant pour le matériel agricole, est aujourd’hui favorisée. Elle connaît d’ailleurs un regain d’intérêt dans la perspective d’une potentielle fiscalisation du GNR. D’ailleurs, un dispositif de complément de rémunération est à l’étude pour un usage comme bio-GNV. La troisième voie concerne l’optimisation des unités pour maximiser leur rendement, limiter les émissions de gaz au stockage. Les règles se précisent, des décrets cultures à l’épandage du digestat. Elles contribuent à la transition bas-carbone de la filière. De même que les directives RED* II et III.
La captation carbone est l’une de ces pistes. Quels en sont les enjeux ?
L’usage du bio-CO2 issu de la méthanisation est aujourd’hui marginal et limité à quelques maraîchers serristes en Bretagne et en Normandie.
Le prix du CO2 majoritairement d’origine fossile a explosé avec celui de l’énergie. Ainsi, le bio-CO2, c’est-à-dire d’origine biologique, fait aujourd’hui l’objet d’un intérêt économique qui vient s’ajouter à sa contribution à la décarbonation. Les principaux clients potentiels sont les serristes et l’agroalimentaire pour la gazéification des boissons.
Concrètement, les opportunités et contraintes seront propres à chaque unité car le coût du transport sera déterminant. GRDF a ainsi mis en place un guide et une calculatrice en ligne. 21 études sont également en cours à l’échelle d’unités ou de territoires. Pour GRDF, l’enjeu de cette captation est de consolider l’intérêt économique de la méthanisation. Elle contribue en effet à la décarbonation du réseau dont nous avons la gestion et à la souveraineté énergétique de la France.
En novembre, Hervé Morin, président de la Région Normandie, a suspendu les soutiens de sa collectivité aux projets de méthanisation au motif d’une spéculation sur le prix de certaines cultures notamment le maïs. Qu’en pensez-vous ?
Tout comme la Région Normandie, GRDF soutient une filière exemplaire. À notre connaissance, l’utilisation des cultures alimentaires en méthanisation tourne autour de 6 %, soit bien en deçà des 15 % réglementaires. S’il y a des dérives, il est naturel que la Région veuille les combattre. Nous restons un des principaux partenaires du Plan Métha pour favoriser la méthanisation en Normandie, pour parvenir à 20 % de gaz verts dans les réseaux en 2030, et 100 % en 2050.
(*) Directives européennes sur la durabilité des bioénergies (RED II) et sur la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (RED III).
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